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Job, sculpteur sur bois, a dû quitter la Bretagne

Le Phare de la Loire, 3 décembre 1936

Quand « Job » était encore à son établi, en Bretagne Avez-vous vu travailler Job ?…

Job est un petit gars de Bretagne, un Breton cent pour cent. Cela se voit à son sourire, à son visage même qu’on n’aurait pas besoin de styliser pour le poser sur les épaules de quelque saint de calvaire.

Job s’est installé chez Decré pour un mois, avec son établi, ses outils et une partie de son œuvre.

Le matin, il retrousse ses manches et, à grands coups de gouge, attaque un bloc.

Cette bille de bois sera-t-elle dieu, table ou cuvette ? Cela dépend de l’inspiration de Job. Le soir venu, il a créé un de ces types de vieux celtes qu’il connaît bien ou encore quelqu’une de ces naïves et touchantes images de calvaires dont l’art étonnant autant que la matière continuent de défier les embruns du Finistère.

Job est né à Morlaix. A treize ans, on le plaçait chez un sculpteur de l’endroit, un de ces vieux artisans régionaux dont les ancêtres sont à l’origine de notre Histoire de l’Art.

Le maître de Job ne lui a pas parlé des canons de la statuaire grecque. Il lui a mis de bons outils dans les mains et un solide bloc de chêne sous le nez. Job n’a pas connu les farces d’ateliers et n’a pas fréquenté les pontifes du ciseau officiel. Ce qui ne l’a pas empêché d’acquérir dans le domaine artistique le plus ingrat un métier étourdissant, en même temps qu’il conservait à son art une merveilleuse pureté. Ce n’est pas assez dire qu’il sculpte : il est de ceux qui animent la matière, semblent l’imprégner de vie en la pétrissant avec amour.

Durant quelque temps, Job Le gall a ouvert boutique à Locronan. Hélas ! Les jeunes bretonnes d’aujourd’hui ne dorment plus dans les lits clos et ne rangent pas leur trousseau dans une armoire à gâteaux.

D’autre part, les Parisiens ne vont pas en vacances pour acheter des œuvres d’art aux artisans du cru… N’y a-t-il pas, à Paris, d’excellents antiquaires ?… 

Un beau matin, Job a bouclé sa caisse à outils pour partir à l’aventure. On l’a vu planter son établi miraculeux dans la plupart des grandes villes de France. Il est même allé jusqu’à Nice, où son art a fait l’admiration de tous ceux qui sont sensibles non seulement au savoir-faire, mais aussi à l’expression d’un talent réel.

Aujourd’hui, Job est à Nantes. Il a su, entre deux rayons d’un magasin moderne, recréer le décor de légende qu’il affectionne. Il travaille sous l’œil bienveillant de tous les Patrons de son pays, indifférent aux curieux qui, oubliant la cravate ou le pyjama, but véritable de visite, s’arrache à regret de l’établi du sculpteur.

Notre ville s’honore de posséder de nombreux et authentiques amateurs d’art. Ils doivent une visite à Job – J.


Merci à l’association Les mémoires de Locronan pour nous avoir signalé cette belle description de JOB!

Crédits: archives départementales de la Loire / Association Les mémoires de Locronan